l'éducation par la nature

L’éducation par la nature

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Il y a un an environ, j’ai connu Laura Nicolas, enseignant et chercheur en science de l’éducation. Comment ? Eh bien, tout simplement en allant consulter son blog ma petite forêt. Et plus particulièrement son article, Art et nature : Les enfants de Montreuil. Il raconte comment une galerie d’art est devenue une école. Et surtout, il explique comment Sounkary, chercheur en neurobiologie passionnée d’art, et Murielle, éducatrice de jeunes enfants, y accueillent les enfants que ce soit en intérieur ou en plein air. Et très rapidement, je me suis BEAUCOUP intéressée à la thématique de son blog qui prône l’éducation par la nature et dont elle nous parle si bien !

Laura a cette façon de parler du jeune enfant et de son développement qui me fait beaucoup écho. Et je me reconnais beaucoup dans ses valeurs et dans son approche des enfants. D’ailleurs son travail m’inspire tellement qu’il y a quelques mois j’ai eu la chance de pouvoir écrire pour ma petite forêt l’article Un parcours pieds-nus en pleine nature, c’est le pied ! Cet article a été écrit dans la continuité de mon article « phare« , Marcher pieds-nus : les bienfaits pour l’enfant.

Voilà comment nous nous sommes rencontrées avec Laura et comment l’aventure continue aujourd’hui avec cette interview qu’elle a accepté de faire pour « Porter, guider, expérimenter ».

Comment éduquer par la nature ? Un interview de Laura Nicolas

L'enthousiasme des enfants qui font l'école du dehors.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Salut tout le monde. Aujourd’hui, nous allons parler d’un sujet que j’affectionne tout particulièrement. Il s’agit d’éducation en nature. Et Laura m’accompagne aujourd’hui dans cette toute première interview pour nous en parler. Laura forme les adultes à la pédagogie par la nature. Et je pense qu’elle sera très sincèrement vous séduire avec cette thématique pour laquelle elle est éperdument passionnée.

Elle nous expliquera d’abord son parcours, puis partagera avec nous ce qu’est l’éducation du dehors. Enfin, elle vous donnera des conseils pour vous apprendre à éduquer les enfants par la nature. Vous êtes prêts ?

Alors, installez-vous confortablement pour pouvoir profiter pleinement de ce que Laura est venue partager avec nous aujourd’hui.

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Présentation de Laura Nicolas et de son parcours professionnel

Aline – Porter, guider, expérimenter : Aujourd’hui, j’ai la chance d’accueillir Laura Nicolas qui est enseignante et chercheur en sciences de l’éducation. Elle est aussi auteur du blog Ma petite forêt et prône l’éducation par la nature.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Bonjour Laura

Laura – enseignant, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Bonjour Aline

Aline – Porter, guider, expérimenter : Alors voilà je voulais te demander s’il était possible pour toi de te présenter un petit peu, de nous donner un petit peu ton parcours, nous dire d’où vient cette idée l’éducation par la nature.

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Oui avec plaisir. Alors Tout d’abord merci de faire cette interview avec moi. C’est toujours un bonheur de partager les idées et tout ce qu’on peut avoir en commun et de faire connaître cette belle pédagogique qu’est l’éducation par la nature.

Alors, pour moi, elle n’est pas venue d’un coup cette idée. C’est un chemin de vie qui l’accompagne. Et je te propose d’en parler un petit peu pour que nos auditeurs puissent plus bien situer la chose. Alors, moi je suis d’abord partie d’un d’un amour pour l’éducation de manière générale, l’éducation en particulier des langues étrangères et ça m’a amenée à pas mal barouder sur la planète. J’ai eu des expériences dans différentes sphères éducatives en France et à l’étranger, notamment aux États-Unis, au Mexique, en Angleterre où j’ai été soit étudiante, soit professeur.

Les expériences aussi dans le public, dans le domaine privé également. J’ai enseigné trois ans dans le privé hors contrat, en écoles maternelles et élémentaires, puis à l’université française puisque je suis maintenant maître de conférence, donc enseignante chercheure en sciences du langage et en sciences de l’éducation. Et, plus particulièrement, j’interviens en formation de formateur à l’Institut de formation des professeurs des écoles, les futurs instituteurs et tout cela à l’Université Paris Est Créteil.

Donc, tu vois, la sphère éducative en premier. Et à titre personnel, j’allais dire que j’ai été élevée en plein air pendant toute mon enfance et ma jeunesse. Et puis, j’ai enchaîné avec vingt ans de grosses villes et de capitale. Ça a été New York, c’était beaucoup Paris. Et j’habite maintenant entre deux lieux : un lieu urbain en région parisienne, puisque je travaille à l’université de Créteil, et un lieu rural en région de Sologne. C’est une région naturelle, magnifique et forestière qui se trouve à deux heures de Paris au sud d’Orléans.

Et en fait, ce chemin de vie m’a amené à une prise de conscience progressive de la nécessité de faire un peu autrement que ce qu’on fait actuellement avec les enfants entre quatre murs. J’ai eu une envie de communiquer à ce sujet, une envie de toucher d’autres publics que simplement les enseignants, d’autres professionnels : les éducateurs spécialisés, éducateurs jeunes enfants, les parents, etc.

J’ai eu l’envie de faire bouger les lignes aussi de la recherche scientifique, en créant des liens, des ponts, en rendant accessible le savoir scientifique au sujet du pouvoir de la nature sur le développement et l’apprentissage chez les enfants.

Donc aujourd’hui, je travaille sur deux tableaux : à la fois institutionnelle, au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche, et également au sein d’une association qui me permet d’aller un petit peu plus loin, de toucher davantage de monde que simplement les étudiants de l’université. Voilà le tableau aujourd’hui, où j’en suis. Et c’est à travers ces deux tableaux que je vais parler de l’éducation par la nature.

Comment est né le blog « Ma petite forêt » ?


Aline – Porter, guider, expérimenter : Très bien Laura, ben écoute merci déjà en tout cas pour ces premières explications sur ton parcours qui sont vraiment très intéressantes. Et du coup, comment est né le blog ma petite forêt avec tout ça ?

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Alors, le blog Ma petite forêt, il est venu au sein de la sphère associative que j’avais déjà créé. Une association qui vise à développer des actions culturelles et éducatives en lien avec la nature. Donc une association qui se situe en Sologne. Et je me suis dit que c’était un petit peu dommage de rester au niveau local. Pourquoi ne pas essayer de toucher un public plus large en créant un site internet, un blog, un site ressource, où j’ai commencé à écrire des articles sur ce qu’était que l’éducation par la nature pour être amenée finalement à proposer aussi une formation, un accompagnement à l’éducation par la nature. Mais peut-être que je devrais commencer par répondre à la question que tu n’as pas encore posé ?

L’éducation par la nature, qu’est-ce que c’est ?

Faire un herbier en nature

Aline – Porter, guider, expérimenter : Qu’est-ce que c’est que l’éducation par la nature ?

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Absolument. Donc c’est vraiment le cœur du blog ma petite forêt, mais c’est aussi le cœur de mon métier actuellement. Alors éduquer par la nature, qu’est-ce que c’est ?

La nature: un vecteur de développement de l’enfant

On mélange très souvent l’éducation ou la pédagogie par la nature avec l’éducation à l’environnement, qui est une sphère assez développée. Actuellement, l’éducation à l’environnement, c’est tout simplement apprendre aux enfants, aux adultes : Qu’est-ce que c’est que la nature ? C’est-à dire que les végétaux et le monde animal sont considérés plutôt comme un objet d’apprentissage et de découverte. Dans la pédagogie par la nature ou l’éducation par la nature, ce n’est pas seulement un objet d’apprentissage, mais aussi un vecteur de développement de l’enfant.

On part bien sûr du principe que la nature, le fait d’être en extérieur au sein des espèces végétales et animales, est un excellent facteur au niveau santé, santé psychologique et physique. Mais que ça va bien au-delà, puisque, au sein de la nature, permet le développement de l’enfant dans toutes ses dimensions transversales et pas seulement scolaires. Donc on ne va pas être simplement sur faire la classe dehors ou apprendre des choses au sujet de la nature. Mais on va développer dehors toutes les dimensions. Que ce soit psycho-affectif, culturel, émotionnel, sensoriel et bien sûr le savoir scolaire parmi d’autres choses.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Ok, très bien. Et du coup, tu me parlais aussi en fait de six piliers, il me semble, en éducation par la nature. Est-ce que tu pourrais éventuellement en parler un petit peu plus ?

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Oui, bien sûr. Alors, l’éducation par la nature, elle repose sur six piliers qui ont été développés par le mouvement des « Forest School« , des écoles forêts à l’anglaise, à la Scandinavienne. Mais peut-être, avant de vous parler de ces six piliers, je vais vous proposer un petit voyage historique sur : Qu’est-ce que l’école du dehors ? À la fois dans l’institution et en dehors de l’institution. On va faire une espèce de panorama du mouvement. Comment ça s’est développé ? Et qu’est-ce que c’est aujourd’hui ? Et juste après ça ? Bien sûr, on parlera des piliers qui ont été développés par ces pédagogies-là ?

Qu’est-ce que l’école du dehors ?

Alors, j’aime bien parler de l’école du dehors, de Forest School, et d’éducation par la nature en vous en parlant un peu comme le jeu des sept familles. Et dans ce mouvement-là, d’emmener et d’éduquer les enfants dehors, on peut reconnaître trois familles que j’ai envie de vous présenter.

L’école forêt

Alors, dans ces trois grandes familles, on a d’abord la famille dite Forest School ou école forêt. Là on a plusieurs niveaux de génération. On a d’abord les grands-parents. Et les grands-parents dans cette famille, ce sont les pays nordiques, les pays scandinaves. Et puis, bien sûr, les Allemands. Ils ont développé toute la pédagogie des « kindergarten ». Je le prononce mal, évidemment, puisque je n’ai pas l’accent allemand. Très tôt, au début du vingtième siècle, ces pays-là ont développé le fait, dans les crèches, de mettre les enfants dehors dès trois ans.
Tu sais, ce sont les images qu’on a un des enfants qui sont dehors dans la neige depuis tout petit, etc.

On a aussi les parents qui ont été influencés par ces pédagogies nordiques, scandinaves et germaniques. Ce sont les anglo-saxons, en particulier, les Anglais. Tout ce qui est Out door ecucation, Adventure education Place based learning education.

Et là, en fait, ça été un peu un boom, je dirais entre les années cinquante et les années quatre-vingts, où les anglo-saxons se sont emparés de la chose. Et, à partir des années quatre-vingt-dix, les anglais, les britanniques ont intégré la pédagogie par la nature dans le système éducatif, donc, dans la formation de leurs formateurs. Je parle des anglais et des Britanniques, mais bien évidemment le Canada anglophone également.

Et puis, il y a des enfants, et ces enfants, c’est nous. C’est la sphère francophone, l’Europe de l’Ouest et nous ça va prendre plutôt la forme d’école nature hors contrat. La sphère éducative ici elle va être assez forte. On va créer des écoles de A à Z ; des écoles, des jardins d’enfants hors contrat.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Oui, tu veux dire par là que pour l’instant l’éducation nationale ne l’a pas encore complètement intégré en fait dans son programme. C’est ce que tu appelles hors contrat du coup

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Oui voilà, dans l’école hors contrat, c’est-à-dire qu’on n’est pas dans l’école publique, mais on est sur des initiatives individuelles. Le principe de cette première famille, c’est que depuis le jardin d’enfants, les enfants sont dehors tout le temps. Ils font les activités du programme scolaire dehors, à partir de trois, six ans. Ça dépend des institutions et culturellement, de quel pays on est. Ça, c’est un peu la première inspiration dans la pédagogie par la nature.

L'éducation par la nature aujourd'hui

L’école du plein air

On a aussi une deuxième inspiration, qui est la famille de l’école du plein air. Alors là, toutes les générations elles s’entrecroisent. En France, on retourne là au début du dix-neuvième siècle, avec le mouvement de l’école nouvelle, les apports des pédagogues comme Fröbel ou Decroly. Ce sont les progrès de la médecine, l’impact de la tuberculose, les mouvements scouts, l’éducation populaires, les congés payés, les travaux d’aménagement urbain pour lutter contre l’insalubrité des villes, les premières colonies de vacances aussi dans les années trente. Tout ça en fait, ça va donner à la société française et suisse également, une dynamique pour faire sortir les enfants.

Et là il y a beaucoup de choses qui vont se mettre en place. Et les enseignants, donc là du public, vont être encouragés à proposer des sorties scolaires aux enfants. Mais bizarrement, l’accent va finalement plutôt être mis sur les séjours linguistiques et les classes de mer plutôt que sur les sorties nature. Et le principe c’était de faire des activités ludiques et sportives en extérieur : les classes de découverte. On se souvient tous qu’on a vécu un peu ces choses-là dans notre scolarité.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Au moins une fois dans l’année, c’était très sympa !

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Voilà c’était bien, c’était bien, mais on n’est pas du tout dans l’éducation par la nature telle qu’on va l’entendre aujourd’hui.

Et le troisième chaînon, la troisième famille qui va composer nos inspirations, qui vont amener à l’éducation par la nature et bien, ça va être la famille de l’éducation à l’environnement. Parce que depuis les années quatre-vingts, on a la création du réseau école et nature. Par exemple, en quatre-vingt-trois, on va commencer à s’intéresser aux questions environnementales au niveau politique. On va considérer au niveau politique qu’il est important de former les enfants soucieux de l’environnement. Et ça va prendre un gros essor à partir des années deux mille.

Le principe ici, ça va être les cours de découverte de l’environnement, de la science, de la nature appliquée dont on a parlé au tout début. Ce n’est pas exactement la pédagogie par la nature, mais on va souvent se retrouver au milieu de ces trois familles, quand on va essayer de faire de l’éducation par la nature.

Maintenant, je vous ai fait un peu ce petit panorama, qu’en est-il aujourd’hui ?

Le mouvement de l’éducation par la nature aujourd’hui


Aujourd’hui, le mouvement de l’éducation par la nature, il est porté par deux dynamiques. La dynamique associative premièrement. La dynamique associative, ça va être des petites structures dépareillées, souvent locales, qui sont éclatées un petit peu partout en France. Ou bien des hauts réseaux, comme par exemple le Graine, qui est le réseau d’éducation à l’environnement, qui se sont récemment beaucoup investis dans la pédagogie par la nature.

Et on a le monde institutionnel, il ne faut pas l’oublier même s’il est plus lent à mettre en mouvement. Par exemple, l’Éducation nationale, elle a vu beaucoup d’initiatives individuelles portées par les professeurs des écoles. Et elle commence à mettre en place avec le réseau Canopé et en lien aussi avec les associations comme le Graine, elle va mettre en place des mouvements, des petites instances de formations, souvent, à distance parce qu’il y a eu le Covid, mais elle commence à mettre en place tout ça.

Alors quelle est la reconnaissance de l’école du dehors actuellement ? Alors, elle est très en vogue. Le mouvement de la pédagogie par la nature est très en vogue actuellement, parce qu’il a été porté par la vague covid plus le confinement. Elle est largement reprise sur les ondes et sur dans les journaux. Et il se développe, il ne faut pas l’oublier, en parallèle, de tout ce qui est sylvothérapie, bain de forêt, sentier pieds nus dans la nature.

Aline – Porter, guider, expérimenter : On est beaucoup autour du bien-être aussi !

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Voilà on est sur le bien-être grâce et par la nature, mais tout en gardant la sensibilisation à l’environnement en parallèle. On est un peu sur tous les plans.

Il ne faut pas oublier aussi, dernier point, qu’il y a une série d’ouvrages : « emmener les enfants dehors », « l’enfant et la nature », « La révolution verte de l’éducation ». Beaucoup d’ouvrages sortent depuis quelques années qui vont encourager le mouvement au niveau société. À tous les niveaux : politique, scolaire associatif etc.

Comment éduquer par la nature ? Les six piliers « des forest schools »

L'éducation par la nature pour développer les sens.


Et maintenant, j’en arrive à ce : comment éduquer par la nature concrètement ? Et je reviens avec les piliers, les six fondements pédagogiques de la pédagogie par la nature, quels sont-ils ?

Aline – Porter, guider, expérimenter : Ben oui ! Parce que finalement, ce qui nous intéresse aussi, nous, professionnels de la petite enfance, c’est de savoir comment aussi accompagné du coup les jeunes enfants, voilà, pour qu’ils puissent découvrir la nature. Et on sait aussi aujourd’hui que souvent ça passe par la manipulation, par l’imprégnation, j’allais dire, au sein de la nature quoi. Donc, voilà, j’imagine que tu vas nous parler de ces choses-là aussi.

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Oui, là ce dont tu parles, la dimension motricité, sensorialité, appréhension, manuelle et tout ce qui va être approche sensorielle et motrice de son environnement est prégnant dans l’éducation par la nature. C’est l’une des bases de l’éducation par la nature. C’est pas forcément l’un des six principes de l’école forêt, mais ce que tu dis fait totalement sens, à mon avis.

On sort les enfants dehors parce qu’on s’est aperçu que tout le matériel du monde mis au sein des quatre murs ne permettait pas autant, malgré leur intérêt, ne permettait pas autant de diversité que le permettait l’environnement végétal et animal dans lequel on plonge les enfants dès qu’on sort de la classe ou crèche. Et ça, c’est vraiment l’une des choses qui ont boosté, encouragé, l’un des constats scientifiques qui a pu encourager le fait de faire sortir les enfants dehors.

Le premier pilier de l’éducation par la nature : la régularité


Mais les autres principes de l’école forêts, et après on pourra rediscuter de ses dimensions proprement motrices et sensorielles, l’un des principes de l’école forêt, ça va faire écho à tout ce que toi tu prônes, par exemple sur le blog Porter, guider, expérimenter.

Ça va être la question de la régularité. Vous pouvez faire manipuler à l’enfant un matériel une fois. ça n’aura jamais l’impact que des sessions régulières vont avoir. Il vaut mieux plusieurs fois plutôt qu’une. Planifier, observer, s’adapter, réviser, recommencer et re-manipuler sont les bases de chaque sortie pédagogique. La répétition, c’est la base. On apprend en faisant, donc toutes ces choses-là ça va être la base.

Pourquoi on a cette précaution-là, en tant que principe de l’école du dehors et des Forest School ? C’est parce que souvent, on a tendance à envisager la nature comme un lieu ludique. On va une fois par an en classe de mer. Là, on n’est pas du tout sur la pédagogie par la nature. La pédagogie par la nature, l’éducation par la nature, c’est : on est dehors. Si ce n’est tout le temps, au moins de manière fréquente et régulière. Donc ça, c’est un premier principe. Et on le voit quand on élève des enfants. On voit bien que cette régularité, au-delà de la question du dehors, elle est fondamentale. On sait le nombre de fois qu’on a répété auprès du petit enfant et qu’on lui fait répéter pour qu’il puisse devenir autonome. Donc, c’est vraiment une base qui est cohérente.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Exactement

Le deuxième pilier de l’éducation par la nature : Offrir à l’enfant un environnement boisé

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : En pédagogie par la nature, on va recommander d’avoir un environnement boisé. Pourquoi ? Par ce que l’environnement forestier, l’environnement boisé, il amène une telle diversité en termes de manipulation et de sensorialité que pour un petit enfant, un mètre carré de forêt, c’est une jungle. Vous avez une telle biodiversité qui pousse dans une forêt, même si ça n’existe plus une forêt primaire, même si c’est une forêt. On a plus de diversité dans cette forêt, on a plus d’occasions d’avoir des insectes, de creuser le sol, de voir des choses dans l’air, dans le ciel, il y a beaucoup à voir, des bruits d’oiseaux etc. On a beaucoup de choses au sein d’un environnement boisé et ça va apporter énormément au développement de l’enfant. Voilà le deuxième, la deuxième pilier de la nature.

Le troisième pilier de l’éducation par la nature : La constitution d’une communauté d’apprentissage

On a ensuite quelque chose qui va bien au-delà de la pédagogie par la nature qu’on retrouve ailleurs, qu’on retrouve chez Freinet par exemple. Ça va être la constitution de communautés d’apprentissage. On apprend toujours mieux à plusieurs, de la même manière que les enfants apprennent par mimétisme.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Chez Montessori aussi on parle beaucoup de ça.

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Absolument. Ça va être toutes ces pédagogies nouvelles, dites encore nouvelles. La communauté d’apprentissage, elle va porter l’enfant. Le mimétisme des pairs et des autres enfants, des enfants qui sont d’âge un petit peu plus avancés, toute cette entraide, cette solidarité. Et l’enseignement en nature, il est centré sur l’enfant et sur le groupe. Les adultes vont faciliter leurs apprentissages en les aidant à découvrir le monde qui les entoure. Apprendre, c’est une histoire collective, donc on voit ici avec ce troisième principe et bien d’autres que la pédagogie par la nature elle n’est pas juste une nouveauté ou on va simplement réinventer l’eau chaude en étant dehors. On s’appuie sur des choses qui font écho à tout ce que tu vas développer par exemple dans ton blog.

L'éducation en nature c'est aussi une communauté d'apprentissage

Le quatrième pilier de l’éducation par la nature : le développement holistique de l’enfant

Le quatrième pilier qui est le développement holistique de l’enfant va y faire écho également. En effet, l’école forêt, l’école du dehors parce qu’elle n’est pas cadrée, parce qu’elle n’est pas scindée en matière scolaire. Elle permet un apprentissage complet qu’on appelle holistique. On en prend plusieurs choses à la fois, par exemple à faire des maths et de la biologie en même temps. On va construire une cabane et en même temps on va apprendre Pythagore. Et donc on a cet apprentissage holistique qui va vraiment être fort au sein de la pédagogie dans la nature.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Est-ce qu’éventuellement tu pourras nous donner à un moment donné un petit exemple pratique de ce qu’on peut mettre en place justement ? Voilà tu parlais de faire des maths en même temps que de construire une cabane. Est-ce que tu as éventuellement un petit exemple qu’on peut développer rapidement ?

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Bien sûr, l’exemple des mathématiques par exemple, il est hyper intéressant ! Vous avez dans l’idée pour des enfants qui sont au moins en élémentaire, voir en cycle trois, de construire une cabane. Ce sont des choses qui sont prisées par les enfants. Et pour construire une cabane, vous allez avoir affaire à tout un tas de compétences.

Que ce soit la motricité, puisque les plus petits vont pouvoir aller ramasser les bâtons, vous pouvez leur faire classer les bâtons par ordre de taille, donc là il y a tout ce qui est de l’ordre de la grandeur, on peut les faire mesurer. Tout ça, c’est déjà des mathématiques, c’est la base.

Construire une cabane en éducation par la nature.

Les plus grands, ils vont positionner les bâtons. On va travailler avec le calcul des angles par exemple. Donc ça, c’est un tout petit exemple. Mais rien qu’avec une construction de cabane, on peut y passer deux jours autour des mathématiques. Et on ne fera pas que des mathématiques bien sûr, puisqu’on va regarder les espèces d’arbres. Quels sont les plus appropriés pour la construction de cabanes. On dit souvent que par exemple, le bois de châtaigner ou de noisetier est intéressant pour la construction. Donc pourquoi ? Comment ? Comment on manipule, Quelles espèces ? Tu vois, on va avoir cette pluralité de connaissances qu’on va faire à partir du terrain.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Oui tout à fait. Je pense que ça peut vraiment nous être utile et c’est vrai que ça rejoint aussi, je dirais, une pédagogie active. C’est que l’enfant est acteur de son développement. Donc là on revient sur la manipulation. Ils sont actifs, ils manipulent et c’est comme ça que ça leur permet aussi d’expérimenter, de découvrir les choses finalement par eux-mêmes tout en étant accompagnés, bien sûr, par l’adulte qui met des mots sur ses découvertes.

Le cinquième pilier de l’éducation par la nature : l’éducation au risque

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : On a aussi l’éducation au risque qui est un cinquième pilier de la pédagogie par la nature. Qui ne tente rien n’a rien. En effet, l’éducation dans la nature va apprendre aux enfants à mesurer les risques pour eux-mêmes et pour l’environnement qui les entourent. Ça va les rendre innovants, plus confiants et plus attentifs. Par exemple, on ne va pas interdire de jouer avec les bâtons. On va apprendre à se servir des bâtons de manière respectueuse des autres, à ne pas se faire mal, et aussi de l’environnement. Ça, c’était le cinquième pilier qui est très important.

Le cinquième pilier de l'éducation par la nature  : l'éducation au risque

Le sixième pilier de l’éducation par la nature : Le jeu libre

Le jeu libre, jouer dehors librement, en prenant des risques. C’est un des piliers centraux de l’éducation par la nature. Et finalement, je passerais très vite là-dessus parce qu’on est encore en construction.

La nécessité de se former à l’éducation par la nature

C’est la question de la qualification des professionnels. Les professionnels qui accompagnent les Forest School en Angleterre sont formés à ça. En France, il existe peu de formations reconnues par l’État. Il n’y en a pas d’ailleurs au niveau de la reconnaissance publique. Mais il y a des formations qui proposent cet accompagnement.

Il se trouve que j’en aie créé une, ce qui me permet d’accompagner actuellement à peu près quatre-vingts personnes dans les différentes étapes, à la fois logistique et pédagogique, de la mise en place d’un projet éducatif en nature et par la nature. Ça va être à la fois, et puis je pense que je conclurai là-dessus. Ça va être à la fois :

  • Comment trouver un terrain adéquat ?
  • Comment identifier les espèces végétales et animales sur le lieu ?
  • Comment éduquer en toute sécurité en dehors ?
  • Comment être aux normes ?
  • Quels aspects logistiques, juridiques, administratifs mettre en place pour évoluer sereinement en extérieur ?

Et bien sûr tout le travail autour du changement des postures parce que ça va être fondamental. Le lâcher prise, le laisser faire, laisser l’enfant en autonomie, l’apprentissage par les pairs, arriver uniquement en appui, ne pas répondre constamment tout de suite aux questions des enfants. Voyez toutes ces postures d’accompagnement qui vont laisser toute la place à l’enfant pour qu’il vive son expérience dans la nature et par la nature dans un premier temps.

Voilà en gros ce que je peux dessiner au sujet de l’éducation par la nature. Je vous invite à aller voir ce qui se fait également. Je donnerai le lien vers le blog que je tiens ma petite forêt où vous trouverez quantité d’informations et de formations à ce sujet. Si cela vous intéresse. En tout cas, je ne peux que vous encourager à sortir et à faire sortir les enfants dehors et ce par tous les temps.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Merci beaucoup Laura d’avoir accepté cette interview et d’avoir répondu à toutes mes questions. Et j’espère vraiment que ce temps de partage et d’échange vous a plu et qu’il vous donnera vraiment envie d’accompagner davantage les enfants, que vous accompagner au quotidien, en nature. Merci à toi Laura. Je te dis vraiment à très bientôt et je te souhaite plein de bonnes aventures en nature. Voilà.

Laura – enseignante, chercheur en sciences de l’éducation et auteure du blog ma petite forêt : Merci beaucoup

Aline – Porter, guider, expérimenter : A très bientôt. Au revoir.

Aline – Porter, guider, expérimenter : Merci d’avoir écouté ma toute première interview de Laura Nicolas du blog ma petite forêt. J’espère qu’elle vous a plu et que ce podcast vous donnera envie de sortir encore d’avantage en nature avec les enfants que vous accompagner au quotidien. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite vivement à aller visiter son blog qui est une vraie mine d’or.

Merci encore à toi Laura pour ta bonne humeur et ce moment de partage. Je vous invite également à aller télécharger sur mon blog mon e-Book, permettre à l’enfant de développer son potentiel librement et avec enthousiasme. Si ce n’est pas déjà fait. Vous y trouverez d’ailleurs une activité et des explications pour apprendre aux enfants à faire germer une graine. Allez à très bientôt tchao tchao!

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6 commentaires

  1. Merci pour cette interview ! Cela donne envie de se renseigner plus sur l’école du dehors, j’espère que cette pratique va se développer en France car je suis convaincue que cela ne peut qu’être bénéfique pour les enfants !

    1. Avec plaisir, en effet, l’éducation par la nature est tellement bénéfique pour les enfants que je pense moi-même me former à cette pédagogie un jour.

  2. N’empêche que je me souviens bien des sorties scolaires de quand j’étais toute petite (école primaire, balades en forêt, récupérations des déchets, courses d’orientation, ski de fond, jeux, pique-nique…) ce n’était pas forcément ce qu’on peut appeler de l’enseignement par la nature mais ce sont de superbes souvenirs qui restent gravés. Merci pour cette balade auditive très inspirante, c’était super et je suis contente d’apprendre que ce type d’éducation se développe de plus en plus en France.

    1. Et oui, moi aussi j’ai de bons souvenirs des classes de nature, c’est bien vrai ! Je suis contente que l’interview vous ait plu.

  3. J’aime bcp cette méthode d’éducation ! Les enfants ont du mal a sortir pr contempler la nature ce qui est bien dommage ! Merci pr cet article très instructif !

    1. Merci beaucoup pour votre message. Pour que les enfants aient envie de sortir en nature il faut aussi que les adultes les y accompagnent et leur montre de l’intérêt à aller la découvrir. 😉

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